Une histoire du gazon à travers les âges et les usages

Aujourd’hui, les pelouses et jardins engazonnés font partie de notre vie quotidienne sans que l’on ne connaisse vraiment leur histoire.

Les enfants et les animaux domestiques profitent de ces coins de verdure accolés aux maisons. En outre, les parcs offrent des surfaces de pelouse accueillantes pour le pique-nique ou le délassement. 

Parc vue du ciel

Quant aux sports, le football et le rugby ne peuvent difficilement se pratiquer sans un stade enherbé. Et que serait Wimbledon sans ses terrains de tennis en gazon ? Et d’où vient cette drôle d’idée de semer de la pelouse partout où cela est possible de le faire ? Voici l’histoire du gazon.

Dans la savane, aux origines de l’Homme

En regardant très loin en arrière dans le temps, nous pourrions dire que le gazon rassure l’homme préhistorique qui sommeille au plus profond de nous.

Les pieds sur Terre

Sur le sol de la savane, nous aurions pris un avantage darwinien en nous élevant au-dessus des fourrées, élevant notre horizon à des centaines de mètres à la ronde. C’est en nous ancrant dans le sol, aux premières heures de notre histoire, que nous nous sommes élevé.

En rond dans le gazon

L’histoire d’une Nature apprivoisée

Il est facile de penser que la Nature ainsi mise à nos pieds et sous nos pieds soit moins menaçante, comme un moyen nous préserver du chaos et des dangereux prédateurs.

Et s’il y avait encore un peu de cette idée primitive dans le soin que le jardinier met à garder son gazon propre ?

Des jardins de l’Antiquité aux monastères médiévaux

Les témoignages de l’Antiquité nous livrent les premières traces de jardin et de pelouse dans l’histoire de l’Humanité. Des fresques romaines gardent la trace de jardins aux parterres verdoyants, encadrés de bordures blanches et parsemés d’arbres fruitiers (voir ci-dessous la fresque de la Nymphée souterrain de la villa Livia découverte à Rome).

Fresque romaine illustrée d'un jardin engazonné, une pièce d'histoire

L’Art du jardin d’ornement

Grecs et Romains, dans une optique esthétique, ont développé une culture du jardin d’ornement. Leurs connaissances ont perdurées jusqu’au Moyen-Âge, en particulier dans les jardins des monastères. 

Au-delà de ces lieux de prière et de contemplation, d’autres espaces sont également aménagés au moyen-âge en grandes étendues herbeuses destinés aux fêtes, aux foires, aux tournois de chevalerie ainsi qu’au pâturage des animaux.

Pelouse d'un monastère

Les historiens font également état de jardins privatifs à l’époque des seigneuries et des premières demeures bourgeoises. Ce ne sont pas encore de vraies pelouses, mais plutôt des sentes herbacées invitant à la promenade dans les vergers. 

L’espace vert, une zone de sécurité

De manière plus stratégique, les forteresses s’entourent de zones naturelles à la végétation la plus basse et clairsemée possible. Ainsi, les gardes repéraient facilement les menaces dans ces no man’s land fauchés et recouverts de fleurs, trèfles et diverses graminées. 

Paysage naturel autour d'un forteresse

Les jardins à l’italienne et à la française

A la Renaissance, c’est une nouvelle page d’histoire qui s’écrit. Le jardin d’agrément devient un art à part entière. Suivant un plan géométrique et des codes culturels précis, les extérieurs des palais se pensent comme une continuité de l’architecture des monuments. 

Jardin du château de Versailles avec le gazon au loin

Le dix-septième siècle marque donc le début d’une nouvelle ère dans la façon de cultiver le gazon. André Le Nôtre, le jardinier de Louis XIV, invente le jardin à la française. Du Château de Versailles à celui de Chantilly, ce nouveau style associe rigueur, fantaisie et de longues bandes de pelouse constituées de nombreuses espèces de plantes à feuilles et de graminées.

Si le sujet vous intéresse, je vous conseille de visiter cette page dédiée à la création des jardins du Château de Versailles.

La pelouse comme signe extérieur de richesse

Au fil des siècles, le jardin de plaisance s’impose comme l’incontournable de tout manoir, palais ou château qui se respectent ; un espace vert parfaitement entretenu dédié à la promenade des hôtes.

Jardin dédié à la promenade avec un beau gazon

Autant dire qu’à cette époque, le gazon est un signe extérieur de richesse. Il fallait à la fois être un propriétaire terrien et disposer d’une importante main-d’œuvre dédiée à son entretien. Imaginez le nombre de bras nécessaires à la fauche de ces immenses jardins. 

L’aura du Pouvoir a une couleur verte

Depuis cette époque, le gazon a toujours gardé cette aura. Ainsi, de l’ambassade affichant un panneau “Pelouse interdite” au jardin impeccable d’une villa de luxe jusqu’aux terrains de golf, c’est le Pouvoir qui s’exprime sur un tapis vert.

Maison Blanche et pelouse verte

A l’aspect culturel s’ajoute une spécificité botanique. Des variétés de trèfles et de ray-grass étaient sélectionnées dès cette époque en raison de leurs qualités de robustesse et d’esthétique. 

Les Anglais façonnent l’esprit moderne du gazon

S’il y a un pays associé à l’image de la belle pelouse verte, entretenue et luxuriante, c’est l’Angleterre. La raison vient des techniques de cultures spécifiques aux jardiniers anglais basées sur l’intégration du jardin dans la nature. Cette vision idéaliste et romantique prend le contre-pied de l’approche monumentale du jardin des Tuileries.

Gazon et château anglais

Culture ou climat ?

Les Anglais bénéficient également d’un climat pour le moins humide et doux, offrant les conditions de pousse idéales. La taille, la tonte et la fertilisation s’associent aux conditions climatiques afin de produire des gazons de haute qualité. A cette époque, la gamme de semences s’étend avec des noms de cultivars toujours utilisés de nos jours, tels que les agrostides (Agrostis) ou les fétuques (Festuca).

Du loisir au sport

L’aristocratie adopte ce modèle paysager qui traverse rapidement l’Atlantique. Les classes supérieures donneront également leurs lettres de noblesse à trois des sports parmi les plus populaires de la planète : le football et le rugby, sans oublier le tennis qui s’est longtemps pratiqué essentiellement sur gazon. Mais ceci est une autre histoire 🙂

Rugby dans la boue

Le gazon à l’ère industrielle

A l’origine, les variétés de gazon n’étaient que des herbes simples trouvées dans la nature et sélectionnées pour leur qualité. Le dix-neuvième siècle, dont l’histoire regorge d’évolutions technologiques, révolutionne la culture du gazon. 

A force d’expériences et de sélection de graminées, l’élevage du gazon n’est plus seulement du jardinage. Cela devient une science et une industrie. Une vision technique de la culture à l’origine du large éventail de variétés de semences et d’engrais dont nous disposons aujourd’hui sur les rayons de toutes les jardineries de la planète.

C’est également une époques d’inventions avec la création des premiers modèles de tondeuses à gazon.

L’histoire du gazon à l’avénement de la société de consommation

Les pelouses forment depuis longtemps un élément incontournable, voire central, lors de la conception d’un jardin. A l’ère de la démocratisation, ce symbole du luxe prend les atours d’un marqueur d’ascension sociale. 

Pelouses de zones pavilonnaire

La pelouse archétypale

Cultiver et entretenir son gazon est devenu une norme et une tradition du monde moderne. Il suffit pour s’en convaincre d’observer l’archétype de la résidence occidentale : un pavillon entouré d’un gazon sans un brin qui dépasse. 

C’est l’image du rêve américain immortalisé, et parfois caricaturé, par l’imagerie hollywoodienne. Au cinéma, c’est l’apparition d’une clôture d’un blanc immaculé, un travelling le long une pelouse tondue si ras qu’on pourrait la confondre avec de la moquette. Une vision de la vie et de la ville toujours d’actualité dans les zones pavillonnaires d’Europe et d’Amérique.

Jardin de ville avec un bout de gazon

Conformisme ou besoin primaire ?

Nous pourrions y voir le constat du conformisme et d’une esthétique aussi standardisée que le Coca-Cola. Pourtant, ces espaces verts privés sont l’expression d’un vrai besoin de nature au coeur des zones urbaines minéralisées au point que le moindre brin d’herbe soit chassé à coup de désherbant chimique.